« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total. Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit vraisemblablement d’un portrait de Wolfgang, prince d’Anhalt-Köthen
Fils du prince de Valdemar d’Anhalt-Köthen et de Marguerite, comtesse de Schwarsbourg, Wolfgang (1492-1566) étudie à l’université de Leipzig. À la mort de son père, il a seize ans. Comme Philippe Ier de Poméranie, il prend la succession de l’une des plus anciennes familles d’Allemagne, la maison d’Anhalt d’Ascanie. En 1521, à la diète de Worms, le prince devient ami et disciple de Luther. En 1530, il signe, à la diète d’Augsbourg, la confession de foi évangélique, rédigée par Melanchton et devient vite l’un des fondateurs de la ligue de Schmalkalde. À la suite des nombreux voyages qui servent la Réforme, Luther le surnomme « légat de Dieu ». En 1547, mis au ban de l’empire par l’empereur Charles Quint, il se réfugie dans les montagnes du Harz. Ce n’est qu’en 1552 qu’il rentre en possession de ses états, dont, durant ses dernières années, il confie le gouvernement à ses cousins. À sa mort, en 1556, il est enterré dans l’église Saint-Barthélémy à Zerbst, où l’on peut encore lire une longue épitaphe à sa mémoire.
Si Wolfgang d’Anhalt est surtout connu pour avoir introduit et propagé la Réforme dans ses états, il l’est également pour son caractère enjoué et pour son courage, sa vigueur physique, ses habitudes chevaleresques et son habileté aux exercices du corps.
Cet homme de caractère a longtemps été identifié comme étant Jean-Frédéric le Magnanime, électeur de Saxe et grand commanditaire de Cranach (Cranach l’Ancien, 1531, Paris, Louvre). Le style du dessin, l’âge probable du modèle nous orientant vers 1540 et des comparaisons avec d’autres visages peints – eux-mêmes ré-identifiés – nous ont amenés à reconnaitre celui du prince Wolfgang d’Anhalt (Cranach, « Chasse au cerf », 1545, Madrid, musée du Prado ; monogramme I.S, copie d’un portrait perdu, autrefois au musée de Gotha ; copie, Bâle ; Cranach le Jeune, « Le Baptême du Christ » Zerbst, église Saint- Barthélémy). Une autre hypothèse évoquant Philippe Ier de Brunswick- Grubenhagen (1476-1551), fervent partisan de la Réforme, est à mentionner. Cette proposition est séduisante car elle nous relie à Ernest et Catherine de Brunswick-Grubenhagen, ses enfants, figurant dans la série de Reims. Cependant, elle ne convainc pas totalement (relief de Philippe Ier, duc de Brunswick-Grubenhagen, château de Bernburg ; estampe post-mortem ; Hans Cranach, dessin, Erlangen, Graphische Sammlung der Universitätsbibliothek) si l’on prend notamment en compte l’âge supposé du modèle d’environ quarante ans. Pour cela, il est préférable de rester prudent et de laisser une interrogation sur l’identification de ce personnage. [M-H Montout-Richard, 2016]
Notice complètePortrait, visage de trois-quarts droit.
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