Cette petite esquisse, à la fois précise, nerveuse et expressive, est une étude peinte à l’huile de la composition du « Saint Jérôme dans le désert » (Ville-d’Avray, église Saint-Nicolas Saint-Marc), deuxième paysage historique à sujet religieux envoyé par Corot au Salon, en 1837 ; le peintre confirmait alors sa réussite dans ce genre, poursuivant le succès obtenu au Salon de 1835 avec le superbe « Agar dans le désert » (New York, Metropolitan Museum of Art). A cette époque, la critique découvrait d’ailleurs une nouvelle génération de paysagistes, dont Corot faisait partie aux côtés de Théodore Caruelle d’Aligny et d’Édouard Bertin, génération attachée à régénérer le genre du paysage composé grâce à une démarche réaliste et à un sens du poétique accrus ; leur préoccupation principale était en fait de parvenir à exprimer picturalement le sentiment de la nature.
Mais, tout en s’inspirant de paysages réels, étudiés durant ses voyages à travers la France ou l’Italie, Corot souhaitait préserver l’imagination et le sens de la composition issus de la tradition classique, tout en soignant chaque détail de ses paysages - arbres, rochers, lointains et ciels. En ce qui concerne le « Saint Jérôme », le peintre a peut-être travaillé d’après des études qu’il avait exécutées en 1836 dans les environs de Montpellier, le fond de l’œuvre, par sa luminosité et son caractère aride évoquant plutôt les alentours de Civita Castellana et la campagne romaine - découverte en 1825, mais revue durant le deuxième séjour en Italie de 1834.
L’esquisse révèle de vraies différences par rapport au tableau définitif : La scène est inversée, le saint étant tourné dans l’autre sens dans l’étude et la percée vers les lointains étant située à droite de la composition, et non à gauche ; la croix, devant laquelle prie le saint, a disparu dans la version finale ; toujours dans l’esquisse, le saint a les bras écartés, dans une mise en scène plus dramatique ; le lion n’apparaît que dans l’œuvre achevée. On a souvent cité les références aux grands maîtres voulues par Corot dans cette œuvre ; il rend en effet visiblement hommage à Titien et à Poussin. En dépit de ces influences, l’un des principaux critiques romantiques, Théophile Gautier, avait considéré que « tout cela est fait franchement, avec fermeté et volonté, souvent avec honneur. »
Le tableau du Salon fut offert à l’église de Ville-d’Avray par Corot vers 1849, deux années après le décès de son père. Par ailleurs, les circonstances du don de l’esquisse, offerte par Corot à son ami et biographe Alfred Robaut sont bien connues : « Un jour qu’Alfred Robaut feuilletait les portefeuilles de Corot, il y trouva cette peinture sur toile volante. Comme il s’extasiait sur sa belle couleur, Corot lui dit : "Votre enthousiasme me rappelle le petit Papa. (Il désignait ainsi Dutilleux). Prenez donc cette esquisse en souvenir de lui" » (Robaut et Moreau-Nélaton, 1905, Il, p. 128, n° 365, anecdote venant des Cartons Robaut, Paris, musée du Louvre, département des Peintures). [V. Pomarède, 2009]
Notice complèteSaint Jérôme en prière à genoux devant sa grotte.
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