Dans cette nature morte d’une grande simplicité de construction, Gauguin fait figurer de dos – sans doute sous l’angle qu’il préférait – une statuette de martiniquaise. Ainsi aimait-il représenter certaines de ses céramiques ou de ses toiles dans plusieurs de ses œuvres. Son voyage aux Caraïbes avait en effet inspiré à Gauguin plusieurs reliefs en bois ainsi qu’une très belle tête de Martiniquaise en céramique. Cette statuette de dimension modeste représente donc une femme aux épaules larges et rondes, agenouillée et légèrement déhanchée, la tête recouverte d’un foulard drapé, de couleur claire. On sait que Gauguin disposait de photos de Borobodur, temple dont la gestuelle des danseuses javanaises l’avait ébloui à l’Expo universelle de 1889. La position des bras de la martiniquaise est caractéristique de ces statues asiatiques.
Le plateau de la table occupe plus de la moitié de la composition. Nettement cernée cette masse rose contraste avec l’arrière-plan où l’on distingue deux espaces bien différents, le mur beige et ce qui semble être une décoration au fond bleu (papier peint ou fresque). Le motif très stylisé de fleurs jaunes aux longues tiges entrecroisées, sur l’autre pan de mur plus foncé se retrouve dans d’autres tableaux de Gauguin. Le bouquet de fleurs, réalisé dans un camaïeu de bleu et rose occupe tout le haut du tableau et se fond avec le papier peint, ce qui brouille la perspective classique et annonce les audaces du XXe siècle.
La cruche vue partiellement de surplomb au premier plan évoque les mises en page de certaines natures mortes exécutées ensuit par Bonnard, Matisse (Poissons rouges, 1922) où l’on retrouve l’association du bouquet de la statuette et du pot. Ces rapprochements sont d’autant plus plausibles que Roses et statuette figurait à la grande rétrospective Gauguin au Salon d’Automne de 1906, où de nombreux artistes modernes puisèrent une nouvelle inspiration. [SP, 2019]
Nature morte, statuette exotique, de dos, posée à côté d’un vase contenant un large bouquet floral, au premier plan un pichet.
Cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.
Messages publiés
17 juin 2022, 15:07, par Colette
La statuette m’intrigue. En 1889 Gauguin n’étais pas encore allé en Polynésie et le style de la statuette ne me semble pas "maori". Il était allé en Martinique à son retour de Panama en 1887. Il s’intéressait depuis l’enfance aux statues exotiques (son oncle Arosa collectionnait des statuettes du Pérou), mais le style de la statuette ne me semble pas du tout correspondre à l’art amérindien, mais plutôt à par exemple Rodin… Qu’en pensez-vous ?
4 juillet 2022, 15:32, par Fabien LEROUX
Chère Madame,
Merci de l’intérêt que vous portez à nos collections.
Cette statuette est certainement Femme Martiniquaise, que Gauguin a modelée après sa visite de l’Exposition Universelle en mai 1889.
Effectivement il avait été ébloui par la gestuelle des danseuses javanaises et on sait qu’il disposait de photographies du temple Borobudur. La position des bras de la Martiniquaise est caractéristique de ces statues asiatiques.
La répétition est un élément important dans l’œuvre de Gauguin, dans son processus artistique, il reprend dans d’autres médium ses créations.
Vous pouvez prendre contact avec notre documentaliste, francine.boure@reims.fr, elle vous fera parvenir des éléments bibliographiques qui compléteront cette réponse.