« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total.
Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit d’un prince de Saxe.
En 1881, Charles Loriquet, conservateur du musée de Reims reconnait la main de Lucas Cranach l’Ancien dans ce dessin et évoque la ressemblance avec Jean-Frédéric II, l’un des enfants de Jean-Frédéric le Magnanime et Sybille de Clèves (copie XIXe siècle, Paris, musée du Louvre).
Aujourd’hui, l’hypothèse fortement envisagée serait celle d’un autre fils du couple princier, Jean-Guillaume (1530-1573). L’âge du jeune enfant, dix ans, correspond au style des dessins datés vers 1540 et surtout il est fidèle à d’autres représentations de lui, notamment dans l’aspect en forme de casque de sa coupe de cheveux et son regard perdu (miniature, album de Saxe, Dresde, SLUB ; atelier de Cranach, peintures de chasse, Cleveland, Vienne et Madrid, entre 1540 et 1545). Par ailleurs, nous savons qu’en 1540, Lucas Cranach le Jeune portraiturait régulièrement les trois fils du prince électeur, qui perd le pouvoir en 1547 au profit de son cousin Maurice.
Cette étude témoigne de la proximité des Cranach avec la famille de Saxe. Cet enfant doit apparaitre dans des tableaux, il porte en lui les valeurs de sa famille et contribuera à les diffuser. Symbole de succession, quel que soit son prénom, il pourra jouer un rôle dans l’histoire de la Saxe. D’ailleurs, certains ont reconnu deux autres enfants de la maison de Saxe de la branche albertine, Séverin et Maurice de Saxe, fils d’Henri le Pieux (Cranach l’Ancien, 1526, Darmstadt, Hessisches Landesmuseum). [M-H Montout-Richard, 2016]
Notice complètePortrait en buste, visage de trois-quarts droit
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