« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total. Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit d’un portrait d’un homme barbu, peut-être un prince allemand du temps de la Réforme.
Les anciennes identifications à Jean le Constant, prince électeur de Saxe, puis à Konrad Krebs, architecte du château de Torgau travaillant avec les Cranach, ont été abandonnées. En effet, les ressemblances trop incertaines aux modèles précités et de nouvelles comparaisons ont favorisé d’autres propositions. Tout en restant prudent, stylistiquement daté vers 1540, cet homme barbu d’environ quarante ans pourrait lui aussi appartenir à la noblesse de la cour de Saxe. Les noms de deux princes de la maison d’Ascanie, l’une des plus anciennes familles princières de l’Allemagne, Joachim Ier d’Anhalt-Dessau (1509-1561) et Wolfgang d’Anhalt-Köthen (1492-1566) peuvent être évoqués en les comparant avec des représentations qui les mettent en scène. Nous retiendrions plutôt Joachim (monogrammist I.S, Moscou, muse Pouchkine ; Cranach, Chasse au cerf, 1545, Madrid, musée du Prado ; Hans Cranach, 1532, Dessau-Wörlitz, Kulturstiftung ; Épitaphe pour Joachim Ier d’Anhalt, détail : Joachim Ier d’Anhalt, donateur représenté à genoux à l’avant-plan, en bas à gauche, Dessau, église évangélique de la paroisse Saint-Jean et Sainte-Marie) pour cette étude et Wolfgang pour une autre.
Joachim Ier d’Anhalt-Dessau (1509-1561), formé à la cour de Georges le Barbu, duc de Saxe, et fervent catholique de la branche albertine, est un prince qui sera pourtant proche des idées de Luther dont il était ami avec Melanchton. À la mort de leur père en 1516, il co-règne avec ses deux frères Jean V et Georges III. En 1544, après un partage de territoires, il devient le prince d’une nouvelle principauté comprenant Dessau, Lippene, Jeßnitz, Wörlitz et Raguhn. Célibataire et sans enfant, il la transmettra à ses neveux Joachim-Ernest et Bernard VII. [M-H Montout-Richard, 2016]
Tête de trois-quarts droit
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