« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total. Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit d’un portrait anonyme, qui pourrait toutefois correspondre à celui d’Auguste de Saxe (1526-1586), fils d’Henri V le Pieux et frère de Maurice (inv. 795.1.278) le premier électeur de Saxe de la branche albertine. En 1548, il épouse Anna, la fille du roi Christian III du Danemark. À défaut d’hériter de Maurice, et après avoir repoussé les prétentions des descendants de la ligne ernestine, Auguste prend le titre d’électeur de Saxe en 1553. Auguste est un souverain collectionneur, surnommé « Auguste le Pieux », « l’OEil », « le Coeur », et « la Tête de l’Empire ». À partir de 1560, il est le premier à rassembler à Dresde une collection d’outils et d’instruments scientifiques et les présente au public. Ce cabinet est l’un des ancêtres des musées techniques nés à la fin du XVIIIe siècle. Par ailleurs, Auguste remet les finances en bon état et donne une nouvelle organisation à l’administration publique de son territoire. En 1580, il favorise l‘adoption de la formule de Concorde par les luthériens qui commencent à se diviser. Deux ans plus tard, il s’oppose dans la diète d’Augsbourg à l’introduction du calendrier grégorien dans l’Allemagne protestante. Il meurt en 1586 à soixante ans, l’année de son second mariage avec Agnès-Edwige, appartenant à la principauté d’Anhalt. Ses successeurs ne répondirent pas aux espérances que Maurice et lui-même avaient nourries pour la Saxe. En 1697, Frédéric-Auguste Ier, fils de l’électeur Jean- Georges IV, abjura le luthérianisme pour joindre à la Saxe le royaume de Pologne.
Au XIXe siècle déjà, la critique retenait pour les dessins qui suivent un style différent des autres études : le nom du fils de Cranach l’ancien soit Lucas Cranach le Jeune, auquel est attribuée aujourd’hui la série, était déjà évoqué. Par la suite, l’attribution a été étayée par le rapprochement avec un tableau de l’artiste à l’effigie du duc Auguste de Saxe daté de 1549 (collection particulière – ancienne collection du Denver art Museum ; Vienne, Kunsthistorisches museum). En effet, le style plus diffus (moins de contours, couleurs plus estompées), plus tardif par rapport à l’ensemble de la série, vers 1550, pourrait correspondre davantage à l’esquisse préparatoire pour ce portrait d’Auguste introduisant même peut-être une forme d’idéalisation du futur prince électeur de Saxe, amoureux des armes et des arts. Une nouvelle hypothèse doit aussi être mentionnée : celle d’une étude pour une représentation du prince Joachim-Ernest d’Anhalt (1536-1586) (atelier de Cranach, 1563, Kulturstiftung Dessau-Wörlitz, Gemäldesammlung ; Cranach le Jeune, « Joachim Ernest d’Anhalt et la princesse Agnès de Barby », 1563, Staatliche Galerie Moritzburg Halle ; Cranach le Jeune, 1572, non localisé). Certes, dans ce dernier cas, la ressemblance physique est intéressante et aussi les liens de parenté avec d’autres dessins de la série (son oncle Joachim ou son cousin Wolfgang d’Anhalt) mais l’âge du modèle présupposé et le style du dessin, situé vers 1550, ne permettent pas pour le moment de retenir cette identification. [M-H Montout-Richard, 2016]
Notice complèteTête de trois-quarts droit
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