Les dessins du musée des Beaux-Arts de Reims, héritier de l’Ecole de Dessin de Reims fondée en 1748, proviennent pour la plupart de l’ancienne collection d’Antoine Ferrand de Monthelon (1686-1752), premier directeur et professeur de cette école. Toutefois, ces deux dessins, exécutés au recto et au verso d’une même feuille, font exception. Ils sont précisément datés de l’année 1774 et entrèrent donc probablement dans les collections de l’Ecole de Reims sous le professorat de Jean-François Clermont, entre 1774 et 1795.
Leur auteur, François Nicolas Bédigis, est né en 1738 à Servon-Melzicourt, près de Reims, ce qui n’est sans doute pas sans lien avec leur présence dans les collections du musée des Beaux-Arts de la ville. Bédigis a cependant exercé son activité de maître écrivain à Paris, où il vécut jusqu’à sa mort en 1814. Il enseigna l’art de l’écriture au sein de la corporation des maîtres écrivains jurés, puis devint professeur à l’Académie royale d’écriture et expert vérificateur. En reproduisant jusque dans les moindres détails les portraits gravés de deux illustres prédécesseurs de sa profession, Jean de Beaugrand (entre 1584 et 1588 – 1640) et Louis Barbedor (1589-1670), il a la volonté de leur rendre hommage et d’enrichir sa précieuse collection d’exemples d’écritures. Le premier fut Secrétaire ordinaire de la Chambre du Roi Henri IV et Ecrivain de ses bibliothèques à partir de 1590, puis professeur d’écriture de Louis XIII à partir de 1606. Le second fut professeur et vérificateur d’écritures à Paris vers 1630-1670.
Lorsqu’il exécute ces deux copies, Bédigis a déjà acquis une solide expérience dans le domaine de la copie d’écritures, démontrée par la parfaite calligraphie qui reproduit chacune des inscriptions figurant sur les gravures originales de Thomas de Leu (1560-1612) pour le portrait de Jean de Beaugrand et de Jean Boulanger (1608-1680) pour celui de Louis Barbedor. Il reporte notamment la signature indiquant que la gravure de Thomas de Leu a été réalisée d’après un dessin de Pierre I Dumonstier (vers 1543 – 1601) et non de son neveu Daniel Dumonstier (1574-1646) comme cela fut souvent interprété par erreur.
Utilisant la plume, son outil de prédilection, Bédigis est toutefois nettement plus à l’aise avec les ornements et la calligraphie qu’avec l’art du portrait. En dépit de son attention aux modèles, la partie figurative des deux dessins trahit sa méconnaissance théorique et pratique du sujet. Ainsi Louis Barbedor est doté d’un invraisemblable regard encerclé reliant l’arc appuyé des sourcils noirs et l’ombre schématisée des poches sous les yeux et, en guise de modelé, le bas du visage reçoit un gris quasi uniforme.
Pour Jean de Beaugrand, le professeur d’écriture exagère les particularités décrites par le modèle gravé, notamment le regard nettement dissymétrique. Comme pour faire oublier ses maladresses, il ajoute au portrait de Jean de Beaugrand un long texte présentant le modèle et un double encadrement rappelant les décors qu’il aimait exécuter à l’encre sur les reliures de sa bibliothèque.
Enfin, sur les mains et les joues de Louis Barbedor, ainsi qu’en arrière-plan de sa silhouette, il tente d’imiter à la plume la technique de gravure de Jean Boulanger, considéré comme l’un des inventeurs de la gravure au pointillé. [L. Causse, 2021]
Portrait en médaillon d’hommes de lettres
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