
Musée des Beaux-Arts
943.1.27Réalisées en janvier et février 1889, ces premières estampes de Paul Gauguin font partie d’un porte folio de dix gravures au trait sur des plaques de zinc avec une onzième pour « couverture ». L’ensemble a été exécuté par le lithographe-imprimeur réputé de l’époque, Edward Ancourt sur de grandes feuilles de papier teintées dans la masse d’un jaune vif, la couleur fétiche de l’artiste. Ce choix, s’il parait audacieux, met en évidence la sensibilité de Gauguin aux estampes japonaises mais également celle –aiguisée par Théo Van Gogh - aux nouveaux moyens de communication bon marché que sont les affiches publicitaires à la mode.
Dès juin 1889, en marge de l’Exposition universelle de Paris, l’album « visible sur demande et vendu 20 Frs » et associé à quelques feuilles d’Emile Bernard, est présenté avec quatorze toiles, deux pastels et une aquarelle à l’exposition du « groupe impressionniste et synthétiste » au café Volpini.
L’année précédente à Pont-Aven, Gauguin a posé les jalons du synthétisme. Les signes de cette nouvelle esthétique, qui nourrira bientôt les Nabis, sont visibles : la couleur construit, la ligne simplifie et la perspective traditionnelle est malmenée au profit d’un espace bidimensionnel. Au-delà de tout naturalisme et en réaction à l’impressionnisme, l’artiste restitue avec force l’authenticité de ses rencontres vécues en Bretagne (1886 et 1888), en Martinique (1887) et en Provence (Arles, 1888).
En osmose, avec ceux qui peuplent « les paradis perdus » : la forme et le contenu dévoilent leur caractère sauvage et primitif. Couleurs – jaune (souvenir du soleil tropical, des tournesols de Vincent Van Gogh, de la maison jaune à Arles ?), noirs profonds et brillants, gris subtils, et lignes – cernes appuyés, écriture sinueuse – traduisent plastiquement la fusion du monde réel et du monde imaginaire.
Tiré seulement à cinquante exemplaires, l’album Volpini est aujourd’hui considéré comme un manifeste en images des meilleures créations de Gauguin. L’artiste cherche à se faire connaître et à vendre. Il propose un florilège de ses oeuvres revisitées, on pourrait même dire en train de se faire ou en devenir. Car ce ne sont pas de simples reproductions mais bien des interprétations, expérimentations autour de compositions originales, surprenantes pour l’époque : déformations et bizarreries anatomiques … un pas vers l’art moderne, fait de couleurs et d’abstraction, mêlant symboles et significations cachées, un autre vers le mythe de l’artiste inclassable, l’alchimiste qui fera l’admiration de Maurice Denis ou d’Henri Matisse.
[M.-H. Montout-Richard, 2021]
Quatre femmes drapées dans leur châle, se protégeant du vent, s’avancent par deux sur un chemin bordé d’arbres
Cette oeuvre fait partie d’un ensemble de onze zincographies formant un Album, connu sous le nom de la suite Volpini, du nom du propriétaire du Café des Arts qui accueille, en 1889, au Champ de Mars, parallèlement à l’Exposition universelle de Paris, l’exposition des peintures du groupe impressionniste et synthétiste. Cet Album est alors consultable sur demande, avec une autre série d’estampes d’Emile Bernard.
Cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.
Cette oeuvre sera numérisée en haute définition lors d'une prochaine campagne.
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