Les Ateliers (polyptique)

« Je n’ai jamais vu réunies toutes ces cérémonies, Kleist, mon père, celles qui n’ont plus peur, celles qui ont peur et Doris dans la porte de l’atelier, une drôle de vague » Luc Simon, 1986.

Luc Simon (1924-2011) est né à Reims, il est le fils de Jacques Simon, maître verrier, héritier de douze générations de maître verrier depuis Pierre Simon en 1640. Sa sœur Brigitte Simon associée à son mari Charles Marq reprendront le flambeau de l’atelier, Luc préférant se consacrer à la peinture après des études à l’École Nationale des Arts Décoratifs.

Mélange de l’intime et de l’étude du motif, la pratique de la peinture fait figure de révélation pour l’artiste. Imaginaire de l’enfance, vécu, voyage, rencontre s’entremêlent dans ses créations. Le cycle des Moralités légendaires a été exécuté entre 1980 et 1985. Il se compose de 25 huiles sur toiles (150 x 150 cm) dont le polyptique « Les Ateliers » constitué de 5 toiles réalisées entre 1983 et 1985, acquis par le musée en 1987. Pour « Les Moralités Légendaires », Luc Simon emprunte le titre à un recueil de nouvelles du poète français symboliste Jules Lafforgue paru en 1887 sans autre référence à l’ouvrage.

A l’origine, la démarche de Luc Simon est née d’un voyage en 1977 le long du Rhin entre Coblence et Mayence sur les pas des poètes allemands romantiques et notamment Heinrich von Kleist. La poésie est toujours au cœur du travail de l’artiste et guide son œuvre. Dès 1936, du haut de ses treize ans, il se passionne pour Rimbaud jusqu’à le poursuivre à travers l’Europe et l’Afrique où le poète séjourna notamment à Harar en Ethiopie. Pour Luc Simon, la poésie le pousse à l’action tout en cultivant son jardin intérieur.

Son jardin intérieur est au cœur du polyptique « Les Ateliers » mêlant romantisme, histoire personnelle et figure de l’artiste. Une grande fresque se déroule autour de l’Atelier où se juxtaposent les tableaux comme autant d’œuvres sorties de la mémoire de l’artiste. Luc Simon évoque sa surprise à travers ce polyptique d’avoir réalisé le portrait des toiles jamais peintes. On retrouve ainsi un florilège des thèmes qui habitent l’artiste tels que le plumage des anges et des oiseaux, l’enchevêtrement des ramures, la cathédrale en feu et les femmes. Partant de l’hommage au double suicide d’Heinrich von Kleist et de sa maitresse Henriette Vogel dans « La Grande Cérémonie », l’artiste déroule ses états d’âme. La figure tutélaire du père dessiné par un artiste vaporeux où seuls les bras émergent au milieu des anges, sous l’emprise de la Cathédrale de Reims en feu, nous entraîne au cœur de l’histoire familiale à travers « Reims la Chute des Anges, Hommage à Jacques Simon ».

Les deux toiles, « Je n’ai plus peur » (1984) et « J’ai peur » (1983) placent l’artiste au centre de la composition. L’artiste se dessine pour la première fois, il se tient dans son atelier de Lucy-sur-Yonne et se tourne vers ses compositions où les couleurs chaudes de la première contrastent aux couleurs froids et aux figures brouillées de la toile « J’ai peur ». « A part toi je n’ai plus rien à dire » (1985) termine cette vague sentimentale par une déclaration d’amour à sa seconde épouse Doris Klausmann qui se tient debout dans la porte de l’atelier tel un horizon.

Le polyptique « Les Ateliers » atteste de l’approche protéiforme de l’œuvre de Luc Simon, à la fois romantique et mélancolique dans son exploration des états de son âme, symboliste qui place la poésie au cœur de la compréhension du monde, surréaliste dans sa relation entre l’imagination et le réel qui habite ses œuvres. Le musée des Beaux-Arts conserve deux autres toiles des années 1960 aux paysages symboliques (Où es Tu ? Qui es Tu ? M’entends Tu ?(1964) ; La Cathédrale engloutie (1967-1968)). [F. Leroux, 2020]