
« 1858, année de notre mariage, donné à ma femme O. Sensier », l’annotation disparue d’Alfred Sensier, ami et biographe de Millet, au dos du pastel, nous autorise à remettre en cause la date de 1866, fixée par Étienne Moreau-Nélaton, pour ce dessin. En réalité, l’historien de l’art peut évoquer une réplique, également au pastel, réalisée à la demande du collectionneur et architecte parisien Émile Gavet en 1866 (collection Armand Hammer). Il existe plusieurs petites études, conservées notamment au musée du Louvre, qui correspondent davantage à cette réplique et présentent différemment les deux figures. Celles-ci sont placées au premier plan, devant une large plaine dont le village, étiré, dessine la ligne d’horizon. Par l’infini du paysage, l’artiste sacralise les paysans dans l’ombre d’un unique arbre.
De manière différente, le pastel de Vasnier nous informe, sur une autre œuvre, de leur environnement quotidien. Sans doute s’agit-il du jardin et de la maison de l’artiste à l’architecture typique de la région de Barbizon. Cette œuvre, par sa technique mêlant crayon noir et pastel comme par son sujet, a d’ailleurs été comparée au Jardin de Millet, à Barbizon. Mais est-ce cela qui doit être retenu ? Car derrière ce réalisme d’intention et à l’époque du succès du tableau Des Glaneuses, n’y-at-il pas d’autres lectures possibles pour ce dessin - en lien avec la datation proposée de 1858 ? Là-aussi, le cadre environnant, d’importance égale aux deux paysans campés en frise, ne fait pas seulement office de décor. La composition rigoureuse, quadrillée d’horizontales et de verticales, suggère le classicisme de l’artiste et lui confère également un caractère immuable, proche du paysage infini aperçu dans la réplique.
Quant au traitement du pastel, tout en vibrations et en densité, il met en valeur la puissance ressentie de la lumière et annonce les recherches à venir des impressionnistes. Ainsi, ces paysans, qui hier paraissaient vulgaires et vindicatifs, deviennent peu à peu des humbles vertueux. À l’image d’une sainte famille, souvenir lointain du charpentier Joseph et de la discrète Marie, le couple de paysans au repos se présente dans sa toute simplicité. À peine visible sous sa capuche, la femme évoque aussi par sa pose, la figure de la mélancolie, celle qui médite sur le temps et sur les affres de l’humanité. À côté d’elle, l’homme allume sa pipe avec son briquet. En 1888, Vasnier ne prend plus de risque lorsqu’il achète ce dessin. Millet ne fait plus polémique. Au contraire, il rallie les défenseurs de la tradition et des avant gardes. L’image du monde rural s’est assagie face à un monde ouvrier qui semble représenter davantage de danger. Alors, le collectionneur investit et confirme surtout son intérêt pour les scènes de réalisme teintées de poésie (Germain David-Nillet, Pierre Lagarde, Henry Lerolle, Théodule Ribot). [M.-H. Montout-Richard, 2016]
Jeune paysan assis sur une brouette, chaussé de sabots, chapeauté, une veste sur les genoux, fumant la pipe, présentant devant lui deux éléments, un couteau posé au sol, attentivement observé par une jeune paysanne, assise au sol, vêtue d’une robe, la tête recouverte d’un voile, main droite sur la jambe, main gauche contre la joue, dans un jardin clos, aux outils et accessoires visibles en arrière plan ; à gauche, allée d’arbre fruitiers, plants ; en arrière-plan, village aux maisons aux toits de chaume.
Ce dessin appartient à la série d’oeuvres inaugurée en 1855 par "Paysan greffant un arbre".
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