Les historiens de l’art sont en désaccord concernant l’origine des sources d’inspiration ayant amené Corot, après 1860, à s’intéresser à ce thème du coup de vent ; Germain Bazin situe la genèse de l’intérêt du peintre pour cette mise en scène durant un voyage effectué en 1853 à Cayeux, tandis qu’Alfred Robaut, sûrement mieux documenté en l’occurrence, affirme que cet engouement date du voyage en Hollande effectué en 1854. En fait, les paysagistes hollandais du XVIIe siècle avaient déjà largement traité ce sujet et Corot avait parfaitement pu voir leurs œuvres durant son voyage dans les Pays-Bas ; en outre, il avait aussi pu étudier au Louvre le célèbre Buisson de Jacob van Ruisdael, qui montrait un grand chêne tourmenté par les vents. Par ailleurs, il devait sûrement avoir en mémoire la superbe variation que son professeur, Achille-Etna Michallon, avait peinte en 1816 en adaptant la fable de La Fontaine « Le Chêne et le Roseau » (Cambridge, The Fitzwilliam Museum et dessin préparatoire au musée du Louvre).
Attaché à la représentation d’une nature mélancolique, sereine et accessible, Corot n’était pourtant pas prédisposé à aborder ce thème tout à fait emblématique de l’idée de sublime que le XVIIIe siècle avait longuement analysée. En fait, c’est au Salon de 1864, l’année où il exposait « Souvenir de Mortefontaine », qu’il s’y essayait pour la première fois, recherchant visiblement un contraste entre ses deux envois : la poésie et la beauté dans Mortefontaine, la force et le sublime avec « Le Coup de vent au bord de la mer » (collection particulière) ; la tradition classique régénérée dans « Souvenir de Mortefontaine », la continuité d’un certain romantisme avec « Le Coup de vent ». Ayant remporté un véritable succès avec ce tableau, original dans son œuvre, Corot allait être aussitôt sollicité par les marchands qui se disputaient des reprises de ce sujet ; Alfred Robaut en a répertorié une douzaine, de qualité et d’inspiration fort diverses, parmi lesquels la version de Reims est de très loin la plus achevée, maîtrisée et convaincante, peut-être parce qu’elle était destinée au Salon - il a souvent été avancé qu’il pourrait s’agir de l’œuvre envoyée au Salon de 1867.
Jouant avec génie de la désolation de ce paysage vide et dénudé, orientant toute la dynamique de la composition et la touche de son pinceau de la droite vers la gauche, dans le sens du vent justement, Corot crée un véritable spectacle, dont les acteurs principaux sont les arbres tordus par les rafales, qui semblent prêts à tomber sur une femme courbée qui avance sur le misérable chemin de terre. Ne cherchant pas pour autant à sombrer dans le drame ou la noirceur, il rompt volontairement avec les « brumes argentées » de ses souvenirs, en jouant sur des blanc, des gris et des bleu très clairs dans le ciel et sur des marron et jaune plus chauds que d’ordinaire pour la partie basse de sa composition. Étonnant chef-d’œuvre, « Le Coup de vent » confirme le génie de Corot dans l’art du paysage, en prouvant qu’il pouvait aborder tous les genres et tous les styles dans la représentation de la nature et se hisser immédiatement au niveau des meilleurs. [V. Pomarède, 2009]
Notice complètePaysage battu par le vent ; sur un chemin, une paysanne semble emportée par les bourrasques faisant plier les arbres ; en arrière plan, habitations.
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