Connu essentiellement, à ses débuts, pour ses céramiques et surtout ses verreries, Émile Gallé développe par la suite l’art de l’ébénisterie. À la tête d’une usine en 1886, il présente dès 1889 ses premiers meubles à l’Exposition universelle de Paris. Il a alors à sa disposition plus de six cents essences différentes pour le placage. Cette variété de couleur et de texture est indispensable à l’exécution du décor de marqueterie dans lequel Gallé pressent une des voies de renouvellement du meuble.
La commode « Le Champ du sang » en est un exemple. Il décrit le sujet de la commode dans le catalogue de l’Exposition universelle de 1900 : « Le Sang d’Arménie, meuble console en noyer turc, mosaïque de bois naturels. Le pêcher, prunus armeniaca, est l’arbre national du pays martyr, l’Arménie. Ses rameaux en fleurs, en pleurs, s’incrustent, entaillés dans l’onyx oriental qui sert de tablette à cette console douloureuse… On y voit passer sur les champs fauchés de tulipes l’Islam, on y voit rugir la folie féroce, le souffle de rage et de mor t de l’Homme maniaque, derrière des horizons de meurtre et de viol, église, bourgades en flammes, provinces embrasées, dedans des marais de rubis caillés, on voit se mirer le Croissant : de sang chrétien, il s’est encore une fois saoulé. » La ceinture inférieure du meuble porte l’inscription : « Prenez garde à la sombre équité, prenez garde, Victor Hugo. » Gallé reprend assez souvent, de manière très originale, des vers sur ses vases ou meubles.
Cette commode montre aussi l’implication politique de l’artiste qui condamne ici les massacres d’Arméniens perpétrés par les Turcs et le sultan Abdul Hamid en 1894-1896. Cette pièce, réalisée en trois exemplaires, a été achetée en 1900 par Henry Vasnier, directeur de la maison de champagne Pommery. À sa mort, en 1907, il la lègue à la Ville de Reims. [C. Delot, 2017]
Notice complètePetite commode à abattant sur pieds galbés, à deux tiroirs, ornée en façade et sur les côtés d’une marqueterie de décor floral. Montants et ceinture sculptées de motifs ajourés. Plateau de marbre débordant gravé de motifs végétaux.
Inspirée par les massacres du sultan turc Abdul-Hamid en Arménie (1894-1896). La citation de Victor Hugo est tirée de La légende des siècles", XXXIII, "le cercle des tyrans".
L’exemplaire original fut acheté par la comtesse Foulon de Vaux en 1900 et vendu aux enchères le 10 février 1990 à Drouot-Montaigne (adjugée 739 810 francs) [cf ; art. F. Camard in l’Estampille, juin 1990], il en existe d’autres exemplaires ainsi qu’une variante avec plateau marqueté.
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