« L’Ecureuse » s’inscrit dans une longue suite des scènes de genre domestiques peintes par François Bonvin, depuis « La Tailleuse de soupe » (1846, Mulhouse, musée des Beaux-Arts) et « Les Apprêts d’un déjeuner » (1854, Rodez, musée Denys-Puech) jusqu’aux trois versions de « Femme à la fontaine », en 1858, 1861 et 1867. Chacune de ces toiles vint, avec d’autres encore, réaffirmer la dette du peintre à égard de Chardin. Bonvin était un fin connaisseur des œuvres du maître, qu’il put contempler dans l’écrin des collections de Laurent Laperlier, François et Camille Marcille ou Louis La Caze.
Il ne fit pas non plus mystère de son gout pour les écoles du Nord du XVIIe siècle, connu de tous bien avant que la vente des œuvres appartenant à celle qui fut sa dernière compagne, Louise Köhler, dite Louison, ne révélât, en 1893, un ensemble de dessins exécutés par le peintre d’après les modèles hollandais.
Bonvin voyagea aux Pays-Bas à trois reprises entre 1866 et 1873. IÌ en était revenu depuis quelques mois lorsqu’il présenta « L’Écureuse » au Salon de 1874 La toile porte le souvenir des œuvres de Gérard Ter Borch, Gabriel Metsu et Pieter de Hooch tout autant que de Chardin, dont l’une des version de « L Ecureuse », aujourd’hui détruite, figura quelques temps dans la collection Marcille avant d’être vendue en mars 1876 à Henry de Rothschild.
On y retrouve l’attention aux intérieurs de cuisine traversés d’ombre, dans lesquels une femme est occupée à quelques tâches ménagères. Une porte s’ouvre sur une autre pièce au loin, laissant deviner à l’arrière-plan deux hommes attablés jouant aux cartes. Bonvin reprend jusqu’à la formule de Ia gravure épinglée au mur, dans un jeu visuel permettant d’insérer une image dans I ‘image que les peintres des écoles du Nord, Vermeer en tête, pratiquèrent à plaisir. Comme l’a souligné Gabriel Weisberg, Manet et Degas s’y adonnèrent également dès ; les années 1860.
À l’instar de Manet, Bonvin - comme Ribot, du reste - s’attacha à ce que Michael Fried a appelé la « tradition de l’absorbement », imaginant des figures de femmes et d’hommes accaparés par leur tâche, tenus dans une forme de concentration immobile et silencieuse.
La femme revêt ici les traits de Louison Köhler. Son bonnet et son tablier blancs tranchent sur le fond sombre de l’office, tandis que son visage et ses gestes attentifs amplifient la présence des objets disposés autour d’elle, Ìe grand vase de cuivre rutilant en équilibre sur le tonneau, le pot de terre, la casserole à longue queue, l’écumoire et le chaudron restés au sol, les assiettes en étain étalées un peu plus loin.
La manière fine de Bonvin et sa palette réchauffée de brillants effets de lumière emportèrent l’adhésion des critiques, qui n’hésitèrent pas à opposer ses œuvres aux toiles charbonneuses de Ribot. Ainsi pouvait-on lire dans le Figaro du 26 mai 1874 : « M. Bonvin était logé, jadis, à la même enseigne que M. Ribot, je veux dire dans la même cheminée noire et gluante. Mais il ne s’y est pas plu comme M. Ribot - chacun prend son plaisir où il le trouve. - Un beau jour, il s’est évadé, il a reconnu l’existence de l’air et de la lumière ; il les a mis dans sa peinture et il ne s’en porte pas plus mal. Son « Écureuse » est superbe : plus de tâche de suie sur ses vases de cuisine el. Ses plats d’étain ; il n’y manque que le brio de la facture pour valoir un Chardin, qu’elle rappelle pour la franchise et la solidité de la peintures. » [Emmanuelle Delapierre, catalogue d’exposition « Théodule Ribot (1823-1891). Une délicieuse obscurité », 2021]
Notice complèteDans une arrière salle, jeune femme, de trois-quarts droit, en tablier blanc, récurant une urne métallique sur un tonneau ; d’autres récipients sont disposés autour d’elle ; dans le fond, deux hommes au comptoir.
Bonvin y pastiche les hollandais du XVIIIème siècle. Le tableau ne manque pas d’agréments dans la composition et le clair-obscur.
Cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.