
Le cadrage et la pose hiératique de La Bergère de Reims rappellent que Millet, loin de croquer sur le vif ce qu’il observe hors de son atelier, recompose le réel. Une étude à la pierre noire, Paysanne assise de face, couverte d’une pèlerine (Paris, musée du Louvre) représente, par quelques traits simples, la figure isolée. Il existe, par ailleurs, une petite peinture sur bois inachevée, passée en vente à Londres en 1996, très proche de ce pastel. Cette pochade a été datée des années 1858-60, soit quelques années avant le pastel de Vasnier.
Dans cette première version, la bergère occupe la presque totalité de la composition. Par la juxtaposition d’aplats simples de matière, le peintre reste naturaliste avant tout. Dans ce dessin, acheté en 1891 par le collectionneur rémois, Millet reprend sa composition et lui donne un autre caractère. Il place sa figure dans un environnement élargi, presque intemporel. Devant un groupe d’arbustes formant une toile de fond, la jeune femme pose, le visage frontal et le regard absent. À sa gauche, apparaît l’immensité de la plaine avec, en point de mire, des hommes laborieux, fauchant ou piochant une terre difficile, à l’image des arbres asséchés ponctuant l’horizon. Dans le ciel, le vol d’oiseaux se confond avec celui des feuilles, soufflées par le vent. Ici, la bergère est songeuse, elle en oublie ses bêtes dont elle est la gardienne. Hors du temps, son regard vide est hypnotisant comme souvent le sont les œuvres de Millet. Sa pause, soulignée par la lourdeur des étoffes sur ses genoux, évoque celle d’une Vierge Marie de Fra Angelico. Elle ressemble d’ailleurs assez à L’Immaculée conception qu’il a peinte en 1858 (Kofu, musée préfectoral d’Art de Yamanashi) et aussi à d’autres bergères plus tardives tricotant, assises sur un rocher ou debout, près du troupeau.
Aujourd’hui encore, c’est avant tout la technique graphique qui retient notre attention et nous fascine. L’utilisation du pastel par des petites touches juxtaposées, et du crayon conté, surligneur de lumière, séduit bien au-delà du sujet. Camille Pissarro, Vincent Van Gogh et Georges Seurat ne s’y sont pas trompés. Ils citent Millet plus d’une fois comme exemple et s’en inspirent parfois directement dans leur travail. [M.-H. Montout-Richard, 2016]
Jeune bergère vêtue d’une robe, portant une capeline, assise sur une barrière, pied droit au sol, sur fond de végétation dense ; à droite, troupeau de moutons et en arrière-plan paysans au travail.
Ce dessin est à rapprocher des deux Bergères tricotantes peintes à Barbizon en 1856 (Louvre et Musée de Boston, l’une pour Tillot, l’autre pour Weewright). Le dessin a sans doute été posé par la fille aînée de Millet, comme les autres.
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