« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total. Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit de Jean-Ernest (1521-1553), le fils aîné de Jean le Constant, prince électeur de Saxe de la branche ernestine. Il a été éduqué par Georges Spalatin. À la mort de son père en 1528, il partage un temps le règne avec son demi-frère Jean-Frédéric le Magnanime, alors son tuteur, jusqu’à ce que celui-ci lui cède, en 1541, un territoire distinct provenant de la maison de Wettin-Cobourg. En 1542, il épouse à Torgau Catherine de Brunswick-Grubenhagen (inv. 795.1.270). Peu engagé dans la guerre avec l’Empereur, Jean-Ernest s’occupe pleinement de son duché : il construit le château d’Ehrenbourg, résidence des ducs de Cobourg jusqu’en 1918 et débute à Steinfeld l’exploitation de l’or. Sans héritier, ses terres resteront dans sa famille, amputées du Königsberg cédé à Charles Quint. Respectivement, Jean-Ernest et Catherine sont par leur sœur et leur frère liés à la famille de Poméranie.
L’hypothèse d’une identification avec le portrait du duc Frédéric de Saxe, fervent catholique de la branche albertine, est aujourd’hui écartée. Le style proche des dessins de Reims situant l’œuvre vers 1540 et l’âge envisagé du jeune homme ont permis de reconnaitre Jean-Ernest de Saxe-Cobourg. Cette nouvelle identification s’est affirmée dernièrement en s’appuyant sur des éléments de ressemblance plus pertinents, avec des oeuvres connues (portrait commencé en 1532, Sächsisches Stammbuch, Dresde, SLUB ; l’atelier de Cranach panneau extérieur droit du retable de Schneeberger, 1539 ; peinture de l’atelier de Cranach, Berlin, Staatmuseum ; miniature, Cranach le Jeune, Vienne, Kunsthistorisches Museum, 1578-1580 ; tapisserie de Croy, Greifswald, université, 1554) et avec d’autres œuvres disparues (1546, fac-similé (1814), Stammbuch dit de Cranach, Berlin, Staatbibliothek). Seules les bouclettes interrogent encore : sont-elles des rajouts d’une main extérieure ou le signe d’une mode capillaire qui apparaît après 1540. D’autre part, un autre argument vient enrichir cette reconnaissance : la présence dans la série du portrait de Lucas Cranach le Jeune de Catherine, sa femme, daté de 1541. Sans doute, réalisé dans le contexte de leur union, ce dessin comme celui de son épouse a pu servir de modèle pour une peinture du couple par Cranach le Jeune déjà signalée mais hélas aujourd’hui non localisée. [M-H Montout-Richard, 2016]
Notice complèteTête de trois-quarts droit, buste esquissé
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