« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total. Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit d’Ernest (1518-1567), le frère de la princesse Catherine de Brunswick- Grubenhagen.
Son père, le duc Philippe Ier de Brunswick-Grubenhagen, assiste en 1536 au mariage de Philippe Ier de Poméranie et de Marie de Saxe. Peut-être y est-il également ? Très jeune, Ernest est envoyé à la cour de Mansfeld, puis à celle du prince héritier de Saxe à Wittenberg où il écoute Luther. Membre de l’union de Schmalkalde, il combat dans l’armée saxonne auprès de son père. En 1547, il partage la captivité avec Jean-Frédéric le Magnanime après la bataille de Muehlberg contre Charles Quint. Libéré, Ernest retourne dans son territoire. Après un accord avec les duchés de Brunswick, il porte les armoiries de cette lignée mais s’engage à abandonner l’héritage de la famille. Il épouse en 1548 Marguerite, soeur du duc Philippe Ier de Poméranie. À la mort de son père en 1551, il assume le gouvernement de la principauté de Grubenhagen où il développe notamment une industrie minière importante. Partisan de la Réforme, il supprime la messe catholique dans les couvents et impose aux prédicateurs protestants un enseignement de l’Évangile dans sa pureté. Pendant quelques années, il combat dans les guerres étrangères auprès du roi d’Espagne Philippe II. À sa mort, ses frères lui succèdent ; la lignée de Grubenhagen s’interrompt.
Cette étude, annotée vraisemblablement par l’artiste lui-même, nous désigne directement la personne représentée. Elle est à rapprocher de deux tableaux à l’effigie du duc. L’un de Lucas Cranach le Jeune, l’autre du monogrammiste I.S (Wittenberg, Lutherhalle). Nous pouvons le dater aux alentours de 1542, année du mariage de sa soeur Catherine (excellente occasion pour une étude de portrait). Ce dessin extrêmement abouti a pu servir de modèle pour d’autres oeuvres (« Chasse au cerf, » 1545, Madrid, musée du Prado) ou collaborateurs de l’atelier et artistes (médaille perdue de Valentin Maler, 1575, commandée par le prince électeur Auguste de Saxe). Ainsi peut-il être considéré comme l’étude de référence. Reste aujourd’hui en suspens la possibilité qu’il existe un autre portrait du duc d’après une facture de 1546 au nom de Cranach et qui aurait pu également être basé sur ce dessin. Ernest III est aussi appelé Ernest IV si l’on prend en compte un Ernest II (1400-1402), le troisième fils d’Ernest Ier. [M-H Montout-Richard, 2016]
Notice complètePortrait en buste, tête de trois-quarts droit
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