« Les Cranach de Reims » sont les photographies d’hier des personnalités de l’Allemagne protestante au même titre que les crayons des Clouet le sont pour les personnalités de la France du XVIe siècle. Ils ont été acquis en 1752 par la Ville de Reims grâce au legs d’Antoine Ferrand de Monthelon, directeur de l’école de dessin – l’une des premières créées en France – et forment une collection qui doit sa renommée à ces portraits dessinés, rares dans l’oeuvre de Cranach – treize au total. Dessinés sur le vif, avec une technique rapide associant la pierre noire pour la vivacité du trait et l’estompe des modelés à la détrempe qui permet des indications de couleurs, ils fascinent toujours. Facilement transportables, ils servent de modèles qui peuvent être habillés, coiffés en fonction de la mode et des besoins, et reproduits sous toutes les formes (peinture, vitrail, médaille, miniature, tapisserie). En 2015, à la suite de la rétrospective consacrée à Lucas Cranach le Jeune à Wittenberg, cette série exceptionnelle a été attribuée à l’oeuvre révélé de Cranach le Jeune, fils de Cranach l’Ancien.
Ici, il s’agit d’Ernest (1497-1546), fils d’Henri le Jeune, duc de Brunswick-Lunebourg et de Marguerite, fille d’Ernest de Saxe. Très jeune, il est à la cour de son oncle Frédéric le Sage, prince électeur de Saxe. Son précepteur Georges Spalatin, un des plus zélés partisans de la Réforme, le conduit avec son frère Otton en 1511 à Wittenberg, où il suit les leçons théologiques de Luther. Six ans plus tard, il se rend à Paris à la cour de François Ier. En 1520, son père le rappelle et le prend comme corégent. Il signe en 1530 la confession d’Augsbourg et s’engage un an plus tard, aux côtés de Philippe Ier de Poméranie (inv. 795.1.266), du prince Wolfgang d’Anhalt (inv. 795.1.271) et du duc Ernest de Brunswick-Grubenhagen (inv. 795.1.274), dans la ligue de Schmalkalde. Pendant son règne, les doctrines de la Réforme se propagent dans son duché du cercle de la Basse-Saxe. Il en assure la prospérité. Melanchton prononce des éloges en sa faveur. Surnommé Ernest le Confesseur, il épouse, en 1528, Sophie, fille d’Henri de Mecklenbourg-Schwerin, dont la mère Sophie de Poméranie-Wolgast était la grand-tante de Philippe de Poméranie et le père, frère de la première femme de Jean le Constant, Sophie de Mecklenbourg. Il aura deux enfants, Henri et Guillaume. Il meurt en 1546 à quarante-neuf ans, l’année même de la mort de Luther. Un siècle et demi plus tard, en 1692, la maison de Brunswick-Lunebourg est élevée à l’électorat. Cette décision prise par l’empereur tente de rétablir un certain équilibre entre les catholiques et les protestants au sein même des électeurs de l’Empire.
Depuis les années 1930, ce dessin est considéré comme l’étude originale, pour le portrait peint d’Ernest le Confesseur. Aujourd’hui, ce tableau a disparu mais une réplique titrée du monogrammiste I.S., compagnon de l’atelier de Cranach (Wittenberg, Lutherhalle) permet d’étayer cette hypothèse tout comme une miniature très proche de notre dessin, à l’effigie du duc pour les Chroniques illustrées de Lunebourg (1595, Lunebourg, musée). Dans cette version, sans doute la plus fidèle à la peinture perdue, on peut distinguer au centre du médaillon un aigle ou un griffon. Notons également qu’une facture datée de 1538 a été rattachée à une commande auprès de Cranach le Jeune pour un portrait du duc. Cette date semble prématurée pour correspondre à cette étude qui, en raison des ressemblances stylistiques des autres feuilles, se situerait plutôt vers 1540. Pour la même raison, le nom de Jean de Saxe évoqué (New York, Metropolitan museum of art, 1537) n’est également pas retenu. [M-H Montout-Richard, 2016]
Notice complèteTête de trois-quarts droit, buste esquissé, coiffé d’un chapeau, un collier en sautoir.
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