Ce dessin appartient à un important ensemble de portraits dessinés issus de l’ancienne collection d’Antoine Ferrand de Monthelon qui fut, de 1748 à sa mort en 1752, professeur de l’Ecole de Dessin de Reims et son premier directeur. Ferrand de Monthelon ordonna sa collection comme un outil pédagogique : les œuvres qu’il légua en 1752 à l’Ecole de Dessin de Reims étaient autant de modèles pour les élèves. L’inventaire établi entre 1768 et 1770 indiquait deux catégories de dessins : d’une part, les œuvres de maîtres au nombre de 3289 et d’autre part, les dessins d’élèves jugés dignes de servir à leur tour de modèles. Cette seconde catégorie comptait 985 dessins, parfois retouchés par les professeurs, dont plus d’une centaine pouvait être des copies de portraits plus anciens ayant appartenu à Ferrand de Monthelon.
Les portraits dessinés du XVIe et du début du XVIIe siècle semblent avoir été, dans ce cadre, des sujets d’étude particulièrement prisés, comme en témoigne ce portrait d’homme à la barbe ronde et aux cheveux courts, correspondant, tout comme son petit col relevé, à la mode masculine française des années 1550 et 1560. Ce col relevé présente en outre une élégante bordure plissée et émerge d’un gorgerin militaire orné de lignes rayonnantes autour du cou. Le modèle semble en effet porter une cuirasse dont le plastron présente une couture centrale verticale. Ses bras ne sont toutefois pas protégés.
Dans son "Catalogue historique et descriptif du Musée de Reims" publié en 1881, Charles Loriquet identifie le modèle à Benito Arias Montano (1527-1598), humaniste, philosophe et théologien espagnol. Auteur d’une édition de la Bible polyglotte, ce dernier fut plusieurs fois portraituré, notamment par le graveur Jérôme Wierix (gravure datée de 1568-1576, Londres, British Museum, inv. n° 1927,1008.55) ou encore par Rubens en 1633 (portrait peint, Anvers, musée Plantin-Moretus), mais on ne connait aucun portrait de lui en armure. Au sein de sa « Collection générale alphabétique de portraits français et étrangers », la Bibliothèque nationale de France conserve également plusieurs exemplaires d’un portrait gravé du philosophe (BNF, N2 ARIAS MONTANUS, BENOIT, Tome 61bis) se rapprochant quelque peu du dessin de Reims. Toutefois, la forme ondulante des lèvres et le nez étonnement retroussé ainsi que l’implantation des cheveux diffèrent nettement.
Pour autant, la finesse et la précision du dessin ainsi que son exécution en deux temps, d’abord par un tracé léger mais déjà juste de sanguine puis par une reprise de l’ensemble à la pierre noire, laissent penser que ce portrait a été copié d’après une gravure. Il semblerait en outre que l’auteur du portrait ait souhaité faire référence à une époque plus ancienne. La coloration rosée du papier ainsi que l’usage d’un stylet confèrent en effet au dessin un aspect archaïsant évoquant les premiers portraits dessinés du XVe siècle, exécutés à la pointe de métal sur papier préparé. La technique employée mêlant sanguine et pierre noire permet toutefois davantage de spontanéité. [L. Causse, 2021]
Portrait d’homme barbu vêtu d’une cuirasse, en buste, légèrement tourné vers la gauche
Cette fiche ne reflète pas nécessairement le dernier état du savoir.