Caricatures de la Grande Guerre
La caricature est un genre bien représenté parmi les collections
du musée des Beaux-Arts de Reims, depuis le XIXe siècle jusqu’au milieu du XXe siècle. Citons quelques peintures d’Honoré Daumier , des sculptures de Sébastien Masson et surtout un grand nombre d’œuvres graphiques notamment celles de Jean-Louis Forain, d’Adolphe Willette et de Maurice Henry.
Mais c’est l’iconographie de la Première Guerre mondiale qui fournit le plus de caricatures, notamment celles appartenant à la collection de Julien Lemétais (1870-1959). Transmis à la postérité après achat auprès de ses filles par la ville de Reims pour ses musées, les peintures, dessins et gravures de cette dernière constitue un héritage historique et artistique incroyable pour toutes les générations. Conservées en majorité au musée des Beaux-Arts, mais également au musée Saint-Remi et au musée du Fort de la Pompelle, ces œuvres témoignent de l’engagement des artistes pour dénoncer l’absurdité de la guerre et les responsabilités de ses acteurs. Conçues pour la presse et l’édition au service de l’information mais surtout de la propagande antigermanique, ces caricatures ou fantaisies humoristiques sont aujourd’hui autant de signes pour nous faire sourire, réfléchir et ne pas oublier.
Pendant les quatre années de guerre, les propositions, aussi variées soient-elles stylistiquement, se focalisent sur l’ennemi allemand. Le guerrier boche, le kaiser Wilhem et son fils le Kronprinz sont les cibles préférées des caricaturistes comme Pierre Chatillon, Marcel Guillot ou Sem.
Au fil de l’actualité, ces portraits charges s’insèrent dans des scènes plus complexes qui dénoncent le jeu des pouvoirs politiques et leurs conséquences sur la vie des soldats et des civils.
C’est ainsi que la guerre « joyeuse » et les ambitions pacifistes des débuts disparaissent bientôt au profit de la boucherie des hommes et du désespoir des nations.
Dès 1915, avec Eugène Cadel, Claude-Charles Bourgonnier, Henri Desbarbieux, Jean-Gabriel Domergue, Georges d’Ostoya et Louis Raemaeckers la mort et les bains de sang envahissent les feuilles. Les dessinateurs reconnus, fidèles à leur style, tels Abel Faivre, Forain, Albert Hahn, Henri-Gabriel Ibels, Charles Léandre, Maurice Neumont ou Willette, enrichissent leur répertoire en servant la Patrie avec vigueur et férocité verbale. D’autres, à l’instar d’André Devambez, Albert Guillaume, Enzo Manfredini, Francisque Poulbot ou Gustave Wendt témoignent avec humour et réalisme de la situation tragique du conflit.
Enfin, de nouveaux talents graphiques émergent. Leur écriture plus moderne : ligne claire, contrastes marqués en noir et blanc ou aplats de couleurs vives renforcent le pouvoir de l’image ou la force d’une légende. Georges-Edouard Darcy ou Pierre-Emile Legrain appartiennent à cette jeune génération qui s’empare ponctuellement de la caricature pour défendre traditionnellement le droit et la liberté d’expression. Et, suivant l’exemple de la nouvelle école anglo-saxonne, elle affiche ses ambitions de communication sans renier ses intentions esthétiques.
Beaucoup s’éloigneront de la caricature après la guerre pour revenir à l’illustration classique, à la peinture ou se consacrer à d’autres arts visuels allant de la reliure d’art, à la publicité ou à la mode.