Jean Boucher : La statue de Victor Hugo sur l’île de Guernesey
Agrégé de l’université, docteur ès Lettres professeur invité à l’université de Shaoxing (Chine) et chercheur associé à l’université de Rouen-Normandie
résumé de : Victor Hugo – La statue de Jean Boucher à Candie Gardens, Saint-Pierre-Port, Guernesey, édition bilingue (traduction Dinah Bott), Blue Ormer, Guernsey, 2019.

Les premières années du 20e siècle voient les liens d’amitié entre la France et le Portugal renforcés.
En octobre 1904, le président de la République, Émile Loubet, est en voyage officiel à Lisbonne. Le mois suivant, le roi du Portugal, Carlos 1er, est reçu à Paris, l’avenue Camoëns est inaugurée, en hommage au poète portugais Luis De Camoes. Un mois plus tard une nouvelle réception d’Émile Loubet au Portugal, en novembre 1905, le roi Carlos 1er est de nouveau invité en France. C’est au moment de cette invitation, en 1906, que le roi du Portugal manifeste l’envie d’ériger une sculpture en l’honneur du poète français, dans la ville de Lisbonne. L’exécution du monument est confiée à Jean Boucher qui envisage de faire la maquette avant la fin de l’année 1906. Mais l’assassinat du roi en 1908 met fin à ce projet. Boucher propriétaire de son œuvre, décide de l’exposer au Salon des Artistes français en 1908. Il est ainsi commenté par Gustave Kahn « Hugo se promène. Il s’arrête au pied d’une falaise qui s’escarpe. Le costume est d’un promeneur, bâton en main, cape soulevée et tordue par le vent. La main caresse la barbe courte et drue. Ce masque rêve profondément, et l’image de Boucher devient celle que l’on se fait d’Hugo cherchant et trouvant des poèmes, en longeant la mer multiforme et illimitée ».
Ce Victor Hugo va valoir la Médaille d’Honneur du Salon à Boucher, avec une écrasante majorité (109 voix contre 18 à Edmond Desca).
C’est le même concert d’éloges sous la plume des critiques.
Pour H. Fritsch-Estrangin du New York Herald (30 avril 1908) « Quoique l’œuvre de M. Jean Boucher ne soit exécutée qu’en plâtre, on n’en goûtera pas moins ses grandes et fortes qualités ; tous les amis de Victor Hugo s’accordent à louer l’extrême fidélité de cette statue ». Arsène Alexandre dans Le Figaro du même jour goûte le Victor Hugo à Guernesey à la fois familier et véhément, abrupt et bonhomme, d’un mouvement heureux et d’une grande vérité morale ».
Louis Vauxelles souligne dans Le Radical, également du 30 avril, le « triomphe [de Jean Boucher] avec son majestueux Victor Hugo ». Dans La Liberté du 6 mai, Estienne Chasles « admire sans réserve le Victor Hugo du même artiste, si simple, si familier et si impressionnant. Victor Hugo est debout sur un rocher. Il marche contre le vent qui agite son grand manteau romantique et son cache-nez. Il marche contre le vent et, pour mieux en sentir la fraîcheur qui calmera sa fièvre, il va tête nue, son chapeau dans la main gauche avec son bâton, pendant que sa main droite, dans un geste très naturel qui nous révèle que le poète pense, médite, compose, s’approche de ses lèvres. Il marche contre le vent, et c’est un symbole assurément. Mais il marche réellement, il marche bien. C’est un marcheur autrement vrai que le prétendu Homme en marche que M. Rodin nous montra à l’un des derniers Salons de la Société Nationale et qui ne marchait pas du tout ».
Dans L’Événement du 8 mai, Camille Le Senne applaudit au « Victor Hugo non pas arrêté, immobile, hiératisé des anciennes effigies, mais en marche, sur les rochers de Guernesey ». Et il ajoute « Il va dans la bourrasque, et le vent du large s’engouffre dans son manteau. C’est notre Homère, et aussi notre Juvénal, au bord de l’océan ».
Et le 22 mai, Boucher est informé par le sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts que
« la statue plâtre exposée au Salon des Artistes français sous le titre suivant Victor Hugo, n° 3278 du catalogue, est acquise pour le compte de l’État au prix de trois mille francs ».
Boucher demande l’autorisation de traduire son œuvre en marbre, finalement elle sera taillée dans le granit, matériau d’un coût moindre. Le 22 juillet 1913, l’œuvre sera inscrite à l’inventaire du dépôt des marbres.
Le 4 juillet Georges Lenseigne écrit au sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts.
La lettre, conservée aux Archines nationales, est inédite :
« Il y a bien longtemps, puisque cela remonte à l’année 1896, j’avais fait un voyage à Guernesey où j’avais eu le plaisir de rencontrer M. Jules Claretie dans la maison de Victor Hugo, et l’idée m’était venue que dans cette île immortalisée par notre grand poète, il serait désirable de voir les Guernesiais lui rendre hommage par l’érection d’une statue. J’avais travaillé dans ce sens auprès des aimables habitants de l’île avec lesquels j’étais resté en relations, fait publier plusieurs lettres dans les journaux anglais ; mais j’ai constaté que la statue ne serait acceptée qu’à la condition d’être offerte par un Comité français, de même que la statue de Shakespeare avait été offerte par un anglais.
À plusieurs reprises, M. Austin Lee m’a promis son dévoué concours, et comme aujourd’hui l’État a acquis la statue due au talent de Jean Boucher, qui a été si admirée au Salon, je me permets de vous demander si les Beaux-Arts verraient avec plaisir la réalisation de ce projet qui tenait tellement au cœur de Paul Meurice. Cet ami dévoué du poète auquel j’avais tout d’abord soumis mon idée, m’avait dit qu’une statue à Londres serait encore plus désirable, mais plus difficile à mener à bonne fin. J’ai fait de nouveaux efforts dans ce sens et il est certain que pour réussir il faudrait l’intervention de hautes influences. J’ai su, par des amis, que notre ambassadeur à Londres avait bien voulu s’en occuper ; j’ignore à quel résultat il a pu arriver. Mais, pour Guernesey, la chose est facile, si vous voulez bien promettre votre bienveillant concours. Veuillez recevoir, Monsieur le sous-secrétaire d’État, l’assurance de mes sentiments les plus distingués ».
Afin de recevoir la statue, le lieutenant-gouverneur de Guernesey propose alors d’offrir au Gouvernement français un terrain, non constructible, qui appartient aux autorités militaires, et qui se situe au sortir de Saint-Pierre-Port, « non loin de
Hauteville House », ajoute-t-il. Mais à ce terrain, qui pourrait être situé à Fort George, sera préféré celui de Candie Gardens, qui s’ouvre sur l’océan, au cœur de la capitale, et qui va bénéficier dans son allée principale de lampadaires avec des lampes bleues, blanches et rouges.
L’assemblée générale de la Société Victor Hugo, présidée par Victor Margueritte qui a succédé à Léo Claretie, démissionnaire, se tient le 15 février 1914 à la mairie du IXe arrondissement. Boucher et Lenseigne y participent.
Évidemment, les fêtes de Guernesey occupent une place importante dans l’ordre du jour. C’est à Georges Hanciau, délégué général fondateur, qu’il revient de les présenter.
« Sur sa demande, le sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts a confié officiellement à la Société Victor Hugo la mission de s’occuper, à ses frais, du transport, de la mise en place et de l’inauguration, dans l’île de Guernesey, du monument de Victor Hugo dû au sculpteur Jean Boucher, et mis en place par le gouvernement.
Un Comité officiel vient d’être nommé par les États de Guernesey qui doit s’entendre sur cette question avec la Société Victor Hugo.
C’est dans ces conditions que M. Georges Hanciau a été désigné par le Comité pour se rendre incessamment dans l’île anglo-normande, en compagnie du statuaire et de son architecte, en vue du choix d’un emplacement digne de l’œuvre du Maître, et de la préparation des questions relatives à sa prochaine inauguration. »
Le 23 février, la délégation composée de Hanciau, Boucher, Victor Lesage, son architecte, et Henri Didot, ancien agent consulaire de France à Guernesey, quitte Paris pour Saint-Pierre-Port.
Au printemps, la statue est une nouvelle fois exposée au Salon des Artistes français. Dans les Chroniques d’Art 1902-1918, le 7 juillet 1914, Apollinaire écrit :
« Le Victor Hugo de Jean Boucher est un morceau d’une envolée superbe. Un visage fin et animé, des yeux pénétrants, une barbe juvénile et brune, un petit chapeau mou et rond, un veston noir qu’il porte court. Voilà le sculpteur Jean Boucher dont on inaugure aujourd’hui à Guernesey la statue de Victor Hugo.
Jean Boucher n’a pas voulu rivaliser avec Rodin, et ce n’est pas le Titan qu’il a sculpté, c’est l’homme, c’est le poète exilé qui rêve à sa patrie et attend l’inspiration au bord de la mer.
Le monument n’est pas destiné à exalter une œuvre symbolisant le caractère du poète, il évoque familièrement celui qui vécut sur ces rives, y aima, y haït, y chanta.
L’œuvre de Jean Boucher fixe avec un rare bonheur tous ces souvenirs de la vie si agitée du grand poète si fécond, que chaque année encore, bien qu’il soit mort depuis vingt-huit ans, on publie un des volumes des vers inédits qui est, sans aucun doute, un des plus importants de la saison ».
Au début du mois de mai, Lesage reprend la direction de Guernesey ; il sera rejoint par Boucher. Leur mission : choisir et mettre en place des blocs de pierre qui proviennent de Creux Cœur, près de la Tour Joanneuse, à l’Ancresse, et assureront les fondations sur lesquelles reposera la statue de Victor Hugo.
Les Archives d’Ille-et-Vilaine conservent deux dossiers « Victor Lesage » qui contiennent une douzaine de dessins non signés (sont-ils de Boucher, de Lesage ou de son associé, Charles Miltgen ?), dessins qui révèlent l’intention première de l’architecte : faire surgir dans le socle de la statue la partie supérieure d’un temple ou du Panthéon. Victor Hugo serait apparu, tel un dieu, non sur le fronton, mais sur l’entablement du temple.
Pendant leur séjour, William Carey, bailli de Guernesey, va adresser au sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts une invitation officielle pour l’inauguration de la statue de Victor Hugo dont la date est fixée aux 7 et 8 juillet.
Il précise « Ces fêtes ayant un caractère international et devant une fois de plus cimenter l’Entente cordiale, l’île de Guernesey désire s’efforcer de leur donner le plus d’éclat possible ».
Le 30 mai, aux alentours de minuit, un train spécial quitte la gare des Batignolles, à Paris, avec la caisse contenant la statue de Boucher. Il arrive à neuf heures à la gare de Mézidon, à une trentaine de kilomètres de Caen ; il en repart le soir et arrive le 1er juin à Cherbourg aux alentours de midi. Le wagon est alors transporté à l’Arsenal. La statue embarque, le 4 juin, sur le bâtiment de servitude, La Girafe, jaugeant trois cents tonneaux, commandé par le capitaine Camus. Il quitte Cherbourg, la grande caisse en bois, a été attachée sur le pont du navire. « Superbe traversée », écrit La Gazette de Guernesey. Le bateau vient accoster au port Albert, et, à quatorze heures, ajoute le journal, « une équipe de soldats du génie et d’artillerie de l’armée anglaise s’est mise au devoir de transférer la statue du pont du navire sur un wagon pour la transporter au parc Candie où elle sera érigée dans quelques jours ».
Mais l’entreprise est beaucoup plus difficile toujours dans La Gazette de Guernesey il est précisé que « Ce n’est que vendredi matin, qu’on est parvenu à débarquer la statue qui, sans être déballée, a été poussée au moyen de leviers au haut de la cale du quai, d’où elle a été placée sur un wagon apporté de France par M. Borgest, l’entrepreneur des travaux, et conduite au parc Candie par un rouleau à vapeur ».
En début d’après-midi, le lourd cortège s’ébranle lentement, non par la côte de Candie jugée dangereuse « à cause de son peu d’espace », mais par les Esplanades, le Bouët, le Mont Arrivé, et Amherst Road. Victor Hugo passe sa première nuit dans Candie Gardens interdit d’accès et surveillé par l’armée.
Le lendemain matin, La Gazette de Guernesey rapporte :
« les ouvriers ont commencé à déballer la statue. La tête et les épaules n’étaient recouvertes d’aucune toile mais la partie inférieure de la statue était protégée par de minces planchettes. Aussitôt que ces planchettes eurent été retirées, on a recouvert l’entier de la statue d’une pièce de canevas et le tout a été enveloppé d’une toile à voile ».
Le lundi 8 juin, le superviseur, Julius Bishop, signe le certificat par lequel « la statue Victor Hugo (en parfait état) est maintenant en place sur son socle ». Il reste une dernière opération à réaliser, elle va être conduite par un élève et aide de Boucher, Charles Trochu, qui est missionné pour « raccorder la base de la statue aux blocs du soubassement en abattant quelque peu ladite base, opération rendue nécessaire par les formes naturelles des blocs, et pour faire graver les inscriptions des faces antérieure et postérieure ».
Tout est donc prêt pour les fêtes de l’inauguration de la statue que toute la presse, française, anglaise et anglo-normande, va commenter.
Le 6 juillet, un train spécial, mis à la disposition des personnalités et des membres de la Société Victor Hugo, quitte dans la soirée la gare Saint-Lazare et arrive à Cherbourg le lendemain à six heures du matin.
Le gouvernement français est notamment représenté par Victor Augagneur, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, et par Armand Gauthier, ministre de la Marine. La délégation officielle embarque à bord du croiseur cuirassé Dupetit-Thouars, escorté des torpilleurs Bombarde, Arquebuse et Buffle. Les invités de la Société Victor Hugo prennent place à bord du vapeur Vera qui va rencontrer une mer houleuse à la hauteur du Raz Blanchard.
L’arrivée à Saint-Pierre-Port est saluée par les canons de Fort George. Tout le port est pavoisé, depuis les yachts jusqu’aux chaloupes et aux modestes barques. Au débarcadère, les invités français sont accueillis par les autorités de Guernesey, bientôt rejointes par les représentants du gouvernement anglais. Le cortège officiel, entre deux rangs de fantassins à tunique rouge, passe sous l’arc-de-triomphe de l’avenue Saint-Julian qui célèbre l’Entente cordiale, puis s’achemine vers la Cour royale, et, musique en tête, vers le parc de Candie. Suzanne Mesureur, secrétaire de la Société Victor Hugo témoignera : « Partout aux fenêtres notre drapeau à côté du leur ; aux corsages, aux boutonnières des fleurs, des cocardes tricolores ; les fouets des cochers et jusqu’aux colliers des chiens étaient enrubannés de bleu, blanc, rouge ».
À quatorze heures, la statue est dévoilée au son des hymnes nationaux, puis Victor Margueritte, au nom de la Société Victor Hugo, remet le monument au gouvernement britannique. « Vous avez bien voulu, rappelle-t-il, donner à notre sculpteur Jean Boucher, pour cadre héroïque de sa statue, ce parc d’où l’on domine la mer, et d’où, comme autrefois, le grand visionnaire pourra évoquer sa patrie. Et vous avez donné encore à notre architecte, M. Lesage, afin que son socle fût un emblème, ces pierres grandioses que depuis l’aube des temps a mordues l’air salin ».
Huit autres discours vont lui succéder, dont celui de Victor Augagneur, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, qui n’échappe pas à la grandiloquence : « Quand le granit de la statue vibrera au souffle terrible de l’ouragan, quand le fracas ou le murmure des eaux se mêlera menaçant ou berceur aux harmonies sauvages ou caressantes des airs, nous penserons encore entendre la voix du grand exilé, tantôt indigné s’élevant contre les oppressions et les oppresseurs, tantôt suppliante et douce s’efforçant de calmer les douleurs des victimes. »
Parmi les spectateurs, un jeune homme de vingt ans a laissé un témoignage qu’il rapportera dans son Le Regard de la mémoire 1914-1945. Jean Hugo a, en effet, accompagné son père, Georges, qui va faire les honneurs de Hauteville House après le dévoilement de la statue.« Aux redingotes françaises, écrit-il, se mêlaient les beaux uniformes britanniques, la tunique rouge et les plumes blanches du lieutenant-gouverneur, la tenue navale, le bicorne et le grand cordon du gardien des Cinq Ports, la chaîne d’argent du sheriff de Sa Majesté, le rabat et la robe aux parements d’hermine du bailli de Guernesey, les toques et les robes noires des jurats, le chapeau haut-de-forme gris de sir Almeric Fitzroy. On dévoila la statue. Le sculpteur avait représenté Victor Hugo, comme Fernand Gregh l’évoqua dans l’ode qu’il récita […], son foulard flottant au vent, son autre maintenant un grand chapeau et appuyé sur une canne — Père, observa ma grand-mère, n’a jamais porté de manteau ni de canne ».
Le souvenir de Georges Bourdon, considéré comme l’un des premiers grands reporters français, mérite d’être rapporté. Il a été publié trois jours après la cérémonie, le 10 juillet, dans Le Figaro :
« Le voile, à un signal, tombe, et c’est ce panorama qui, soudain, au Victor Hugo de Jean Boucher, se découvre. Le plus beau qui soit ; presque le même dont, chaque matin, du haut de son look-out de Hauteville House, il emplissait ses yeux. Pour un monument de Victor Hugo, il n’est pas de site plus magnifique que celui-là. Et, pour un sculpteur, quel orgueil et quelle joie de poser l’effigie du Maître ici, sur ce sol, devant cette mer, sous ce ciel, où palpite encore le meilleur de son génie ! Un long applaudissement a salué l’œuvre de pierre. Sur cette base de granit, que l’architecte, M. Lesage, a taillée dans un antique dolmen, c’est tout Victor Hugo qui revit, pensée, action, conquête. De son pas robuste, il s’arc-boute sur le roc, son front méditatif se penche au-dessus du gouffre, et toute la tempête balaie son front nu, gonfle son vêtement flottant, et l’on pense entendre gronder à ses pieds la rude clameur de l’Océan. Il apparaît véritablement comme le ―suzerain des tempêtes‖ […]. L’œuvre est grande en ceci qu’elle est à la fois exacte et allégorique, et que son symbole n’est que la traduction amplifiée de la vie ardente. Elle est digne du génie qu’elle commémore, digne de la France qui l’offre à l’Angleterre, digne d’un haut et bel artiste qui, jeune encore, se range parmi les maîtres de la statuaire française, et qui, jamais peut-être, n’avait révélé dans l’exécution plus de force, dans la conception plus de noblesse.
Après le dévoilement, les fêtes se continuent à Hauteville House où Georges Hugo accueille ses invités, concerts par des musiques militaires, feu d’artifice a giorno, dîner au Gardner’s Royal Hotel, retraite aux flambeaux, fête vénitienne, feu d’artifice, et le lendemain, parade militaire, excursion autour de l’île, inspection d’un troupeau de vaches guernesiaises, lunch, avant de reprendre la route de Cherbourg, puis celle de Paris.
Son Victor Hugo vaut à Boucher d’être nommé chevalier de la Légion d’Honneur, et quelques semaines après son retour de Guernesey il s’engage dans l’infanterie. Mobilisé le 6 novembre, il est au front en janvier 1915 et participe aux batailles de Verdun et de Douaumont.
Dans une lettre adressée à sa femme le 8 juillet 1915, il tourne ses pensées vers l’île anglo-normande : « Guernesey ! Respirer un peu l’âme de Victor Hugo. Combien ces heures sont déjà loin. Nous en sommes séparés par un fleuve de sang. Quand donc la bête humaine sera-t-elle gorgée de sang et repue ? »
Démobilisé en 1919, il est nommé professeur et chef d’atelier à l’École des Beaux-Arts à Paris, et reçoit des commandes de monuments à la mémoire des soldats tués pendant la Première Guerre mondiale. Il continue d’exposer au Salon des Artistes français dont il devient le vice-président en 1925, et, en 1931, il y présente son Victor Hugo réalisé en bronze.
Comme en 1908, les critiques sont enthousiastes. Ainsi, dans La Revue de l’Art de juillet- août, Guillaume Janneau salue le Victor Hugo sur le rocher de Guernesey, de Jean Boucher, dramatique figure, éloquente par son humanité même et son dédain de toute affectation de spiritualité ».