La chalcographie de la ville de Reims, redécouverte d’une collection de matrices au musée des Beaux-Arts
En 2020, le musée des Beaux-Arts de Reims se lançait dans une vaste opération de déménagement de ses collections, depuis les réserves de l’ancienne abbaye de la rue Chanzy vers le nouveau centre de conservation situé en bordure de la ville. Parmi les redécouvertes effectuées lors de ce chantier des collections figure ce que, dans un ouvrage datant de 1893, le conservateur et érudit Henri Jadart qualifiait de « chalcographie de la ville de Reims ». Si ce terme désigne initialement une technique d’impression relative à la gravure sur cuivre, il peut également qualifier une collection d’estampes et de plaques de cuivres, aussi appelées matrices.
Dans son étude de 1893, Jadart dénombrait 102 plaques de cuivre gravées dont la plus ancienne remontait à 1618, alors conservées au sein de l’hôtel de ville où se trouvait le musée. L’incendie du bâtiment en 1917 détruisit une partie de ces plaques, et en détériora la majorité, si bien que cette collection demeura dans l’oubli pendant près de cent ans.
Récemment mise au jour, cette collection dont il nous est seulement parvenu une trentaine de plaques, méritait pourtant de faire l’objet d’un travail de documentation, pour la finesse de ses gravures aussi bien que pour l’histoire des graveurs rémois qu’elle révèle. Outre quelques images d’ordre religieux ou scientifique, elle comprend surtout des représentations de monuments rémois ainsi que des vues générales de la ville à différentes époques, dont les estampes qui en furent tirées sont aujourd’hui bien connues des spécialistes. La cathédrale, mais aussi l’église Saint-Nicaise détruite à la Révolution, l’hôtel de ville, les voûtes de la porte de Mars (alors appelée « arc de triomphe »), ou encore la place royale sont reproduites sous des angles variés. Au XVIIe siècle, les noms d’Edmé Moreau, auteur d’une remarquable vue de la ville en 1622, de Jean Colin père et fils, ou encore de Nicolas de Son, dont le burin rappelle parfois celui de Jacques Callot, marquent leur époque. Au XVIIIe siècle, ce sont Legendre, ou les graveurs parisiens Pierre-Etienne Moitte, Cochin le Jeune et Pierre-Philippe Choffard qui s’attachent à rendre compte de la politique d’embellissement de la ville, autour des nouvelles promenades et du projet de la place royale. Des noms de graveurs rémois encore plus illustres tels que Robert Nanteuil ou Nicolas Regnesson manquent certes à l’appel, mais cette collection demeure un précieux témoignage de la vivacité de cet art et de sa commande au sein de la cité rémoise.
Rémi de Raphélis
Conservateur stagiaire
Musée des Beaux-Arts de Reims
2021